- GANT (histoire du costume)
- GANT (histoire du costume)GANT, histoire du costumeUtilisé depuis toujours comme protection contre le froid, le gant est porteur de symboles. Symbole de déférence, de soumission, de loyauté en particulier. Dès les premiers temps du christianisme, il est d’usage de se déganter devant un supérieur. Exigence que l’on retrouve tout au long des siècles: les juges royaux demeurent mains nues dans l’exercice de leurs fonctions, et on ôte ses gants pour entrer dans les Grandes et Petites Écuries du Roi-Soleil; aujourd’hui encore, un homme se dégante pour serrer la main d’une femme. C’est en acte de soumission que le gant est offert au roi, au Moyen Âge, par ses villes vassales; lors des cérémonies rituelles du couronnement en France, l’archevêque, en bénissant et en présentant une paire de gants au souverain, lui assure, par ce geste, possession de son domaine et loyauté de ses sujets. En Angleterre, c’est dans la main gantée du roi que l’archevêque de Cantorbéry place le sceptre, symbole du pouvoir royal. Gage de loyauté encore dans la chevalerie quand jeter son gant signifie défier un adversaire, ce dernier en le relevant signifiant qu’il acceptait le combat.En Occident, c’est vers le VIIe siècle que les gants deviennent des accessoires de luxe et donc de mode. Les comptes d’Isabeau de Bavière mentionnent en 1408 des gants «brodés tout autour » (Franklin, 1895), Montaigne ne s’en serait pas plus passé que de sa chemise et Catherine de Médicis les offre en cadeau très apprécié aux dames de la cour; ils sont alors en soie ou en cuir, si fins qu’ils peuvent être roulés dans une coque de noix, usage qui persistera encore au XIXe siècle, en Angleterre surtout, où la noix est pendue ostensiblement à la taille pour bien marquer la faveur royale. Henri III et ses mignons les affectionnent, pour la nuit, imprégnés de musc, ambre gris, civette et benjoin.Tributaires de la forme des manches, les gants sont courts, souvent parfumés, à petits revers découpés à picadilles avec la mode des manches à crevés du XVIe siècle, à large crispin couvert de pierreries, malgré les édits somptuaires, au siècle suivant, et l’Angleterre connaît alors la mode des gants de chevreau, teints à la couleur du vin préféré de leur propriétaire. Une autre mode venue d’Angleterre gante pendant plus de cent ans les mains des élégantes de mitaines de dentelle, idée reprise par des créateurs tels que Thierry Mugler et Michel Klein. En 1789, deux lettres grattées permettent de modifier, fort opportunément, la devise ornant des gants d’homme: «Vive le Roi» devenant «Vive la Loi».Les gants de soie, si prisés au XVIIIe siècle, disparaissent provisoirement en 1790, après qu’un médecin eut décrété que la soie dessèche la peau. Les gants de cuir auront le même sort, dans les années difficiles de la Révolution, car ils indiquent trop ouvertement l’appartenance à l’aristocratie. L’impératrice Joséphine use plus de mille paires chaque année, ne remettant jamais deux fois ses longs gants pailletés et brodés d’or. La Restauration réserve aux petites bourgeoises les sujets galants gravés en taille douce sur du chevreau blanc, les élégantes préférant les ornementations plus discrètes et plus sobres. Une «Civilité» parue en 1782, puis les manuels de savoir-vivre du XIXe siècle et des premières années du XXe siècle vont fixer avec rigueur et précision ce que l’on «doit» porter pour chacune des circonstances ou des événements de la vie; deux règles ressortent de ce «calendrier du gant»: jamais de blanc pour le matin, toujours du blanc pour le mariage religieux, les couleurs pastel étant recommandées en toute autre occasion.Jusqu’à la Première Guerre mondiale, les bras devant toujours être couverts, les gants vont à la rencontre des manches: ils s’arrêtent au poignet avec les manches longues des robes de ville, à l’épaule avec les grands décolletés du soir. Ils sont alors si étroitement serrés, la finesse de la main étant un élément de la beauté féminine, qu’un crochet est indispensable pour fermer les boutons à la hauteur du poignet et qu’une technique spéciale de coupe du pouce permet de ne sortir que la main du gant pour dîner. Rigoureusement assortis au sac, aux chaussures et à la robe dans les années 1930-1940, ils font partie intégrante de la mode et sont alors créés par les couturiers les plus connus de l’époque, Chanel, Schiaparelli, Lanvin. Certains mouvements artistiques ou politiques comme le surréalisme et sa fantaisie pleine d’humour, la nouvelle entente cordiale de 1938 dont les symboles sont brodés en tricolore, font du gant le reflet de l’événement.Malgré un certain déclin de l’usage du gant, donc du nombre des gantiers, dû aux transformations sociales et économiques liées en particulier à la Seconde Guerre mondiale (le couturier Courrèges est un des rares, dans les années soixante, à doter d’accessoires les vêtements qu’il crée), les très importantes améliorations techniques dans la préparation et le travail des cuirs permettent à des stylistes comme Philippe Model, Alaïa et Montana de réaliser pour la haute couture de véritables «objets d’art». Matières synthétiques et peaux parfaitement lavables apportent aux modèles plus classiques, fabriquées en grandes séries, le confort pratique exigé par la vie contemporaine. Plus de soixante-dix opérations sont nécessaires à la création d’un gant, depuis le travail de mégisserie jusqu’à la vente. La pointure s’exprime en pouces (1 pouce = 2,7 cm), trois quarts, demi ou quart de pouce, la longueur également en pouces ou en boutons, même si le modèle n’en comporte pas, l’espace entre chaque bouton étant d’un pouce. Les formes types sont le gantelet, le saxe, le mousquetaire et le crispin.
Encyclopédie Universelle. 2012.